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Déspécialisation retraite - Plafonnement

11/01/2009 - Lu 2550 fois
Mots-clefs : Autonomie des dispositions de l’article L 145-51 du Code de commerce – Plafonnement (oui) (Paris 16ème B, 18 septembre 2008, aff. M. et Madame Azoula c/ M. et Madame Laieb

« A la suite d’une cession, un marchand de couleurs, verres et brosserie, bénéficiant de la retraite au profit d’une activité de vente de fruits et légumes, les bailleurs « exposent qu’il y a eu déspécialisation ayant entraîné modification notable de la valeur locative ; … que les bailleurs n’ont en aucune façon contesté l’opération de cession déspécialisation ; que celle-ci a été conclue sur le fondement des dispositions de l’article L 145-51 du Code de commerce, texte autonome qui institue une déspécialisation au profit du cessionnaire du droit au bail ; qu’une telle déspécialisation ne permet pas une modification du prix du bail ».

Observations. – A notre connaissance, l’arrêt présentement rapporté est le premier qui statue sur la question du déplafonnement du loyer en fin de bail après une déspécialisation-départ à la retraite.

Le principe de l’autonomie de l’article L 145-51 du Code de commerce avait déjà été retenu par un arrêt ancien de la Cour de Paris du 3 décembre 1991 (Dalloz 1992, 40ème Cahier, sommaires commentés et note M. Rozès ; Loy. & copr. 1992 n° 123 obs. Ph. H. Brault) mais ces mêmes commentateurs considéraient que s’il n’existait pas un droit à la révision pendant le cours du bail, en revanche le bailleur pourrait, lors du renouvellement du bail, invoquer le changement d’activité comme facteur de déplafonnement mais naturellement sous réserve de justifier d’une modification notable de la valeur locative.

Dans l’espèce rapportée, les bailleurs le prétendaient effectivement quoiqu’on puisse s’interroger : l’activité de vente de fruits et légumes à Joinville le Pont peut-elle entraîner une modification notable de la valeur locative alors qu’elle remplace une activité de marchand de couleurs, verres et brosserie ?

Force est toutefois de constater qu’en l’occurrence, la Cour ne s’est pas prononcée sur l’existence ou non d’une modification notable de la valeur locative pouvant entraîner un déplafonnement mais simplement sur le fait que s’agissant d’un texte autonome, il ne peut pas entraîner un déplafonnement sans autre appréciation. On doit dès lors s’interroger sur le point de savoir si la solution aurait été la même pour une déspécialisation retraite intervenant dans un secteur de commercialité extrêmement recherché : par exemple une activité alimentaire devenant du prêt-à-porter de luxe car l’on sait que la valeur du droit au bail « concret » en fonction de la destination autorisée, est inférieure à celle d’une destination « tous commerces » surtout dans un secteur excessivement recherché (Cf. M.L. Sainturat – JCL 2002 – Fasc. 1360 n° 111). On ajoutera toutefois pour être complets, une décision rendue par la Cour de cassation le 20 septembre 2005 (Aff. Félix Faure pourvoi n° 04-15 p. 153 note Denizot dans l’AJDI 2006 p. 120, nos observations dans Administrer novembre 2005) mais qui statuait dans un contexte de droit différent car il y avait eu une déspécialisation retraite avec passage d’un commerce de bonneterie mercerie à une activité de bureaux (activités mobilières et immobilières) ; le bailleur n’avait  pas sollicité le déplafonnement au terme du bail pendant le cours duquel la déspécialisation était intervenue mais le revendiquait au terme du bail suivant et alors que, compte tenu de la nouvelle destination exploitée « à l’exclusion de toute autre destination » le plafonnement ne pouvait en toute hypothèse être revendiqué.

Danielle Lipman-W.Boccara, Administrer, décembre 2008.