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Convention d'occupation précaire �

06/08/2015 - Lu 3819 fois
Circonstances indépendantes de la seule volonté des parties caractérisées (non).
Cass. civ. 3ème. 7 juillet 2015. Pourvoi n°14-11644. Affaire Société Le Criquet C/ Société Les Arcades - Cassation

Encourt la cassation l’arrêt (Rouen 5 décembre 2013) qui « pour accueillir la demande de la société Le Criquet, […] retient que la circonstance particulière objective justifiant la précarité de l’occupation de l’immeuble résulte de la volonté même exprimée par la société Les Arcades de mettre un terme au bail commercial initial dont elle disposait et partant de quitter les lieux au 31 décembre 2007, le maintien dans les lieux ne lui étant plus permis que le temps pour elle de trouver un acquéreur au plus tard pour le 30 novembre 2009 ; que dans ce contexte, le motif de précarité du lien contractuel est légitime ; que la convention en cause doit par conséquent être qualifiée de convention d’occupation précaire et que la société Les Arcades ne peut prétendre au maintien dans les lieux au-delà du 30 novembre 2009 ;

Qu’en statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser l’existence, au moment de la signature de la convention, de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties justifiant le recours à une convention d’occupation précaire, la cour d’appel a violé ensemble » les articles 1134 du code civil et L 145-5 du code de commerce.

 

Observations.- Les faits de la cause ayant conduit à l’arrêt présentement commenté étaient assez particuliers.

Une société preneuse exploitait un commerce de charcuterie traiteur et pendant le cours du bail, apparemment à la demande du preneur, un accord était intervenu pour une résiliation anticipée du bail au terme de la première période triennale, mais autorisait le preneur à se maintenir dans les lieux pour une durée de 23 mois pour lui permettre de parvenir à la cession de son fonds de commerce ou de son droit au bail, ce qui était une démarche assez curieuse.

Apparemment au terme de ces 23 mois (fin novembre 2009), le preneur était resté dans les lieux et le bailleur ne l’a assigné en expulsion qu’en octobre 2010.

La cour d’appel a retenu qu’il y avait eu initialement un accord de fin de bail et que le contrat intervenu pour la durée de 23 mois présentait un caractère précaire « légitime ».

Le moyen du pourvoi, très sommaire, reprochait à la cour d’appel d’avoir statué par des motifs impropres à caractériser l’existence, au moment de la signature de la convention, de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties, et il visait aussi bien l’article 1709 du code civil que les articles L 145-1 et L 145-5 du code de commerce.

Le motif de la convention de 23 mois était de permettre au preneur éventuellement de trouver un acquéreur pour son fonds mais il ne s’agissait pas là d’une circonstance indépendante de la seule volonté des parties puisqu’il fallait effectivement trouver un acquéreur ce qui apparemment n’a pas été le cas.

On peut aussi observer que la convention intervenue entre les parties en ce qu’elle visait une durée maximum de 23 mois s’apparentait plus à un bail dérogatoire qu’à une convention d’occupation précaire.

Et c’est sans doute la raison pour laquelle même si le moyen du pourvoi visait une convention d’occupation précaire, il visait aussi in fine l’article L 145-5 du code de commerce soit un bail de dérogation et il lui suffisait en définitive que le preneur revendique le fait qu’il avait été maintenu dans les lieux à l’expiration de la durée de 23 mois pour prétendre au bénéfice d’un bail commercial non plus issu du premier bail qui lui avait été consenti et qu’il avait résilié mais du fait de son maintien dans les lieux passé le délai de 23 mois, le bailleur n’ayant sollicité en justice son expulsion que près d’un an après l’expiration du délai de 23 mois.

On sait que la convention d’occupation précaire était une construction purement prétorienne mais qui a reçu par l’effet de la loi du 18 juin 2014 une reconnaissance légale, en son article L 145-5.1 qui a maintenu la formulation de l’existence de « circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties », et qui autorise dans certaines hypothèses, à des parties d’opter plus pour une convention d’occupation précaire que pour une convention de dérogation puisque la convention d’occupation précaire pouvant durer moins ou plus que trois ans selon que les circonstances exceptionnelles qui y mettront fin surviendront à bref ou moins bref délai ; à cet égard on se reportera d’ailleurs à nos observations sous Cass. civ. 3ème – 15 octobre 2014 dans Administrer décembre 2014 n°482 et Cass. civ. 3ème – 14 avril 2015 dans Administrer mai 2015 n°487.

En tous les cas, on ne peut qu’approuver la décision même, si nonobstant la référence à l’article L 145-5 du code de commerce, elle retient que la cour d’appel n’a pas caractérisé les circonstances exceptionnelles et indépendantes de la seule volonté des parties qui auraient pu maintenir la qualification de convention d’occupation précaire et donc le rejet d’une demande de reconnaissance de droit à la propriété commerciale.

Danielle Lipman-W. Boccara

Juin 2015.