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La loi Pinel et les baux commerciaux

31/07/2014 - Lu 64121 fois
Analyse de Danielle Lipman-W. Boccara & Macha Boccara-Baumer

La loi n°2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite « loi Pinel » constitue la plus importante réforme en matière de baux commerciaux depuis l’institution du plafonnement par le décret du 3 juillet 1972.
 
Elle s’inspire d’une ambition louable : soutenir un secteur économique touché par la crise. 
Largement favorable aux locataires, son objectif est de dynamiser en particulier le petit commerce de proximité et l’artisanat, notamment en centre-ville. Le législateur a aussi entendu rapprocher la législation des baux commerciaux de celle des baux d’habitation.
Mais ce texte, adopté sans véritable concertation préalable, de surcroît en suivant une procédure accélérée, n’est pas sans susciter des critiques. Il s’avère général et ne fait aucune distinction entre les petits et les grands acteurs ou selon la typologie d’actifs dont les enjeux sont pourtant différents. Il pose un certain nombre d’interrogations en raison de sa complexité et de son imprécision ; des difficultés d’application sont ainsi prévisibles et ne manqueront pas d’engendrer de nombreux contentieux.
Naturellement, le PROCOS et la Fédération du commerce associé (FCA) ont salué la volonté de rendre « plus équitables et plus transparents les baux commerciaux » tandis que le Conseil national des centres commerciaux (CNCC) évoque des « mesures toxiques », craignant que les mesures prises ne profitent surtout aux grandes enseignes internationales et dissuadent l’investissement immobilier.
 
Seront examinés successivement l’encadrement de l’évolution du loyer (I), les relations entre locataires et bailleurs (II), la cession des murs et du droit au bail (III), les clauses réputées non écrites (IV), les conventions non soumises au statut (V), l’application du statut aux locataires de nationalité étrangère (VI) et l’application des dispositions de la loi Pinel dans le temps (VII).
 
I. SUR L’ENCADREMENT DE L’EVOLUTION DU LOYER 

1.1 Sur les indices de référence applicables

L’article 9 de la loi Pinel modifie les articles L. 145-34 et L. 145-38 du  Code de commerce en supprimant l’indice du coût de la construction (ICC) comme indice de référence pour la fixation du loyer du bail renouvelé en l’absence de motif de déplafonnement ou la révision légale du loyer, en sorte que deviennent seuls applicables, en fonction de leur champ d’application respectif, l’indice des loyers commerciaux (ILC) pour les activités commerciales et artisanales ou l’indice des loyers des activités tertiaires (ILAT) pour les activités de bureaux, les professions libérales et les plates-formes logistiques, ces indices étant considérés plus proches de l’activité réelle des commerçants et moins volatils.
Cette suppression ne sera pas sans poser certaines difficultés car il existe des hypothèses dans lesquelles les deux indices susvisés pourraient s’appliquer, savoir les boutiques-bureaux (agence de banque, agence immobilière), et il existe des cas où aucun de ces deux indices ne peuvent s’appliquer, comme par exemple les locaux à usage industriel, les locaux à usage culturels, les cliniques, les crèches, etc.
Pour les renouvellements à intervenir en 2015 et 2016 se posera certainement une difficulté pour le calcul de la variation nonnénale puisque l’indice des loyers commerciaux n’a été établi qu’en 2008.
Le problème sera sans doute moins difficile à régler pour les baux qui seraient à présent soumis à l’ILAT puisque cet indice concerne en principe des baux pour lesquels le plafonnement ne s’applique pas.
En revanche, l’article L. 145-38 du  Code de commerce est visé par l’article L. 145-15 du  Code de commerce comme étant d’ordre public et il ne sera donc pas possible d’y déroger.
Enfin, si une clause d’échelle mobile figure dans le bail, apparemment rien n’interdit de recourir toujours à l’Indice du coût de la construction (ICC).
N.B.: les modifications des articles L. 145-34 et 38 du  Code de commerce sont applicables aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014.

1.2 Sur la fixation du loyer du bail renouvelé

L’article 11 de la loi Pinel modifie l’article L. 145-34 du Code de commerce pour instituer un « plafonnement du déplafonnement » pour les loyers de renouvellement des baux de neuf ans qui pourraient être déplafonnés par suite d’une modification notable des éléments mentionnés aux points 1 à 4 de l’article L. 145-33 du  Code de commerce (facteurs locaux de commercialité, obligations respectives des parties, caractéristiques du local considéré ou destination des lieux) et même pour les baux qui sont déplafonnés de plein droit à raison d’une durée supérieure à neuf ans : ni les uns, ni les autres ne pourront voir leur loyer de renouvellement majoré chaque année de plus de 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.
L’objectif avancé de ce plafonnement est d’éviter le départ contraint de certains commerçants, notamment en centre-ville, en raison du décalage pouvant exister entre un loyer plafonné et une valeur locative.
Pour des baux récents consentis à la valeur locative ou des renouvellements de loyers déplafonnés, l’impact de cette révolution sera peut-être modeste d’autant, qu’à ce jour, un certain nombre de preneurs prétendent même que la variation nonnénale selon les indices conduit à un montant supérieur à la valeur locative.
En revanche, lorsque les relations locatives sont anciennes et que sont déjà intervenus deux ou trois renouvellements à prix plafonné, l’impact sera d’importance car les praticiens ont pu constater, qu’entre un loyer plafonné et la valeur locative, il pouvait exister un écart de 2 à 3, ce qui impliquera que, même au terme de la neuvième année, le loyer n’atteindra pas la valeur locative.
On notera que ce lissage de 10 % ne peut intervenir qu’à la hausse et non à la baisse.
Ce plafonnement du déplafonnement est choquant puisqu’il a pour effet d’éviter un retour à la valeur locative dite « déplafonnée » - et toujours éloignée des prix de marché - en accordant une rente de situation au locataire en place. De surcroît, cela conduira à une inflation des valeurs de droit au bail puisque, plus les loyers sont faibles, plus les droits aux baux sont élevés, pénalisant ainsi les jeunes commerçants. Ce dispositif conduira sans doute certains bailleurs à privilégier les procédures d’éviction afin de pouvoir conclure un nouveau bail aux termes et conditions qu’ils souhaitent, étant précisé que pendant toute la durée de la procédure en fixation du montant de l’indemnité d’éviction, ils percevront une indemnité d’occupation, fixée à la valeur locative avec un abattement de précarité, qui sera supérieure au montant du nouveau loyer si le bail était renouvelé.
Se pose également la question difficile de savoir comment calculer le loyer révisé au terme de chaque période triennale et de même comment s’applique, dans les baux renouvelés, la clause d’indexation annuelle.
C’est ainsi que M. Dumur, dans l’AJDI de juin 2014[1], évoque la « quadrature du cercle et le casse-tête chinois » en démontrant pas moins de sept calculs plausibles !
Dans les baux à révision triennale, nonobstant les augmentations de trois fois 10 %, appliquera-t-on la variation indiciaire et sur quelle base ? Sur celle du loyer initial majoré de 10 % ou sur le loyer initial majoré de 30 % ?
Dans les baux stipulant une indexation annuelle, devra-t-on additionner chaque année 10 % de majoration et la variation indiciaire ?
Enfin, au terme du bail et s’il n’existe pas de motif de déplafonnement (pour un bail de neuf ans) quel sera le loyer de base pris en considération : la valeur locative non appliquée et/ou le loyer simplement majoré de 10 % au moment du renouvellement ?
L’année précédente est-elle une année civile ou une année calendaire ? Le renouvellement intervenant au 1er octobre d’une année, on privilégiera sans doute le loyer acquitté au cours de l’année précédente, c’est-à-dire celle ayant commencé à courir le 1er octobre antérieur.
Autre interrogation, le loyer acquitté est-il le loyer réglé ou le loyer facturé ou en vigueur ?
L’expression « acquitté » contenant le mot de quittance devrait être interprétée comme étant le loyer facturé et certainement pas le loyer « payé ». Si des preneurs croient pouvoir s’abstenir de régler leur loyer pour ensuite soutenir que leur loyer de renouvellement ne peut même pas être majoré de 10 %, ils ne devraient avoir aucune chance devant les tribunaux, d’autant que les bailleurs en présence de telles tentatives n’hésiteraient pas à mettre en œuvre la clause résolutoire.
L’article L. 145-34 du Code de commerce n’est pas visé par l’article L. 145-15 du Code de commerce comme étant d’ordre public ce qui signifie que, pour tous les nouveaux baux à intervenir, qu’ils soient d’une durée de neuf années ou plus, les bailleurs pourraient obtenir des candidats locataires une dérogation aux dispositions de l’article L. 145-34 du Code de commerce en précisant que tout loyer de renouvellement sera fixé à la valeur locative si une cause de déplafonnement est retenue (bail de neuf ans) et, de plus fort, pour les baux de plus de neuf ans.
Enfin, si le loyer est fixé judiciairement à la valeur locative deux ou quatre ans après la date d’effet du renouvellement, un preneur pourrait-il soutenir que l’année précédente est celle précédant la fixation judicaire ? Nous ne le pensons pas et le preneur déplafonné/plafonné devra régler l’arriéré de loyer majoré de 10 % au titre de l’année suivant la date de renouvellement, puis de 10 % l’année suivante et ainsi de suite.
En revanche, le texte n’est pas modifié pour les baux qui se poursuivent par tacite prolongation jusqu’à excéder douze années.
Le dispositif s’avère donc complexe et incohérent.
Ne devraient pas être concernés par ce nouveau texte, les locaux à usage exclusif de bureaux, les locaux monovalents et les terrains pour lesquels sont maintenues les dispositions spécifiques des articles R. 145-9, 10 et 11 du  Code de commerce.

1.3 Sur la fixation du loyer révisé en cours de bail

Les articles L. 145-38 et L. 145-39 du Code de commerce comportent la même formule que pour les fixations du loyer de renouvellement, savoir le plafonnement du déplafonnement éventuel.
Concernant la révision légale prévue par l’article L. 145-38 du Code de commerce, la réforme ne jouera que dans les hypothèses où le bailleur aura démontré une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, ce qui est assez peu fréquent.
Toujours au titre de la révision triennale du loyer, le législateur a cru devoir compléter l’article  L. 145-38 alinéa 1er du   Code de commerce par l’indication que « La révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande de révision », c’est-à-dire à compter de la date d’expédition de la lettre recommandée en demande de révision, ce qui n’a cependant jamais été contesté.
Concernant la révision du loyer prévue par l’article L. 145-39 du   Code de commerce, en cas de variation du loyer de plus de 25 % par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire, l’augmentation du loyer sera plafonnée à hauteur de 10 % du loyer ayant déclenché la demande de révision.
Le lissage du loyer révisé en cours de bail est d’ordre public, à l’inverse de ce qui a été relevé pour les loyers de renouvellement.
N.B.: les modifications des articles L. 145-34,38 et 39 du   Code de commerce sont applicables aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014.

II. SUR LES RELATIONS ENTRE LOCATAIRES ET BAILLEURS

2.1  Sur la durée ferme des baux

L’alinéa 1er de l’article L. 145-4 du   Code de commerce, modifié par l’article 2 de la loi Pinel, supprime la possibilité de conclure des baux d’une durée ferme, supérieure à trois ans, sauf pour quatre types de baux précisés ci-après.
En supprimant dans cet alinéa la formule « à défaut de convention contraire », le législateur revient à la situation existant avant la loi n°85-1408 du 30 décembre 1985 qui n’autorisait pas de dérogation à la faculté de résiliation triennale de tout preneur.
La possibilité de prévoir une durée ferme du bail avait été sollicitée principalement pour sécuriser les investisseurs qui construisaient, à la demande de futurs locataires, des immeubles spécifiques (cliniques, hôtels, bureaux) et qui, une fois l’investissement extrêmement élevé réalisé, pouvaient se trouver en présence de preneurs qui délaissaient les lieux au terme de la première ou deuxième période triennale alors que l’investissement ne pouvait être amorti qu’au terme de douze voire quinze années.
Cette modification est toutefois tempérée par le fait que le législateur permet aux parties de convenir d’une durée ferme pour (a) les baux conclus pour une durée supérieure à neuf ans, ce qui concerne principalement les baux de Centres Commerciaux, (b) les baux de locaux construits en vue d’une seule utilisation, c’est-à-dire les baux de locaux monovalents comme les hôtels, les garages, les cliniques, etc., (c) les baux à usage exclusif de bureaux ou encore (d) les baux de locaux de stockage définis par l’article 213 ter, III 3° du Code Général des Impôts. En dehors de ces quatre exceptions, il ne sera pas possible de déroger à l’article L. 145-4 alinéa 1er puisqu’il est d’ordre public.
La suppression de la formule « à défaut de convention contraire » conduit à s’interroger sur la faculté de prévoir des résiliations annuelles au profit du preneur. Elle est possible dans les quatre cas susvisés et, de fait, elle est sollicitée en particulier pour les baux à usage de bureaux. On pourrait également penser qu’elle est valide pour tout type de bail dans la mesure où elle est consentie dans l’intérêt du preneur.
Cette réforme, aspirant à protéger le petit commerce et l’artisanat, semble judicieuse bien que les baux de boutique prévoyant une durée ferme s’avèrent rares, hormis les baux de centres commerciaux.
Pour échapper à l’interdiction de prévoir une durée ferme du bail de neuf ans ou à la faculté de résiliation annuelle du preneur, il suffira sans doute aux parties de convenir d’une durée du bail supérieure à neuf années, soit à l’origine des baux soit pendant le cours de ceux-ci par l’établissement d’avenants.  

2.2 Sur le congé
a. Sur la forme du congé
L’article L. 145-9 du   Code de commerce, modifié par l’article 20 de la loi Pinel, autorise bailleur ou preneur à notifier congé des lieux loués par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extra-judiciaire, au libre choix de chacune des parties, alors que, jusqu’à présent, l’acte extrajudiciaire était obligatoire pour les baux soumis au statut.
Cette disposition, d’ordre public, aurait été adoptée au motif que le coût des congés par acte extrajudiciaire s’avère plus élevé que celui d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Mais l’économie engendrée par la délivrance d’une lettre recommandée ne justifie en aucun cas de prendre le risque de voir le congé déclaré nul tant il peut y avoir des discussions sur la date et la réception de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Rappelons aussi que de nombreuses décisions ont condamné les preneurs à régler leurs loyers jusqu’au terme d’une nouvelle période triennale lorsqu’ils avaient délivré congé par lettre recommandée même lorsqu’elle était prévue par le bail.
Il restera à s’interroger sur le point de savoir si, ce qui importe est l’émission de la lettre recommandée avec accusé de réception ou sa présentation ou sa réception, pour déterminer si le congé a été délivré en temps utile.
Les praticiens – notaires, avocats, gérants d’immeubles – maintiendront certainement l’usage de l’acte extrajudiciaire.
Ce sont surtout les preneurs entendant donner congé soit pour le terme du bail, soit pour le terme d’une période triennale, qui auront peut-être tendance à opter pour l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à moins que leur bail ne prévoit la possibilité de délivrer congé que par acte extrajudiciaire.
Curieusement, la loi Pinel ne modifie pas symétriquement l’article L.145-10 du   Code de commerce sur la demande de renouvellement de bail alors que ce sont précisément les locataires peu avisés qui sollicitent le renouvellement de leur bail par lettre recommandée avec accusé de réception, lettre qui demeure sans effet et que les bailleurs s’abstiennent parfois de relever en espérant que leur bail dépassera douze années, entraînant ainsi des déplafonnements d’office.
N.B.: l’article L. 145-9 du   Code de commerce, tel que modifié, s’applique dès l’entrée en vigueur de la loi Pinel, soit dès le 19 juin 2014, date de parution au Journal Officiel.
b. Sur le décès du preneur ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite et la délivrance du congé
L’article L. 145-4 alinéa 3 du   Code de commerce prévoyait déjà que les locataires ayant demandé à bénéficier de leur droit à la retraite du régime social auxquels ils sont affiliés ou ayant été admis au bénéfice d’une pension d’invalidité sont autorisés à délivrer congé à tout moment moyennant un préavis de six mois, sans respecter le terme d’une période triennale.
L’article 2 de la loi Pinel étend cette faculté aux ayants droit du preneur s’il décède.
Cette avancée doit être saluée car il peut survenir que des héritiers ne soient pas aptes à continuer l’exploitation d’un fonds de commerce et à régler un loyer jusqu’au terme d’une période triennale.
Se pose toutefois la question de savoir si cette faculté pour les ayants droits du preneur de délivrer congé à tout moment suppose ou non que le preneur ait déjà fait valoir son droit à la retraite ou au bénéfice d’une pension d’invalidité.
N.B.: la modification de l’article L. 145-4 du   Code de commerce s’applique à toute succession qui s’ouvrira dès l’entrée en vigueur de la loi, soit dès le 19 juin 2014.

2.3 Sur l’état des lieux d’entrée et de sortie et l’inventaire des charges et impôts
L’article 13 de la loi Pinel instaure une nouvelle section 6-bis « De l’état des lieux, des charges locatives et des impôts » et créé deux nouveaux articles.
a) Sur l’état des lieux
Le nouvel article L. 145-40-1 du Code de commerce dispose qu’un état des lieux doit être établi contradictoirement et amiablement par le bailleur et le locataire ou un tiers mandaté par eux, non seulement lors de la conclusion d’un bail mais aussi en cas de cession du droit au bail, d’une cession ou d’une mutation à titre gratuit du fonds et également lors de la restitution des locaux.
Ce texte est visé par l’article L. 145-15 du   Code de commerce comme étant d’ordre public.
La question se pose de savoir si l’obligation d’établir un nouvel état des lieux en cas de cession du droit au bail ou du fonds implique que le cessionnaire ne sera responsable de l’état des locaux qu’au regard de l’état des lieux réalisé à la date de son entrée en possession et non depuis la date de conclusion du bail. En outre, il est curieux d’imposer un état des lieux en cas de cession du droit au bail ou du fonds car le bailleur n’intervient pas nécessairement dans cette hypothèse.
Si ce caractère contradictoire et amiable n’est pas respecté, un huissier sera saisi par la partie la plus diligente, à frais partagés entre bailleur et preneur. Cet état des lieux devra être annexé au bail ou, à défaut, conservé par chaque partie.
Il est aussi prévu que, si aucun état des lieux n’a été établi lors de l’entrée dans les lieux, le bailleur ne pourra pas invoquer la présomption de l’article 1731 du Code civil selon lequel les locaux sont présumés livrés en bon état de réparations locatives. Aucune autre sanction n’est prévue par la loi Pinel.
Il s’agit là d’une réforme assez légitime car, généralement, les baux précisent que le preneur prend les locaux dans l’état où ils se trouvent lors de son entrée en jouissance mais exigent aussi qu’il les restitue en bon état.
Or, de nombreux preneurs ne prennent pas l’initiative de faire établir un état des lieux d’entrée et se voient ainsi opposer à la fin du bail la présomption de l’article 1731 du Code civil.
Cela ne sera plus possible à l’avenir.
N.B. : l’article L. 145-40-1 du Code de commerce s’applique aux baux conclus avant l’entrée en vigueur de la loi Pinel pour toute restitution dès lors qu’un état des lieux a été établi lors de la prise de possession, ce qui signifie que sera exigé l’établissement d’un état des lieux lors de la restitution des locaux ; à défaut il semble que la présomption de l’article 1731 du Code  civil continuera de s’appliquer.
b) Sur l’inventaire des charges, impôts, taxes et redevances
Le nouvel article L. 145-40-2 du   Code de commerce énonce que tout contrat de location doit à présent comporter « un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire ».
L’inventaire devra conduire à un état récapitulatif annuel à adresser au preneur dans un délai fixé par voie règlementaire. D’autre part, en cours de bail, le bailleur devra informer le preneur de toutes charges, impôts, taxes et redevances nouveaux.
Le bailleur devra, lors de la conclusion du contrat de location mais aussi tous les trois ans, communiquer au locataire un état prévisionnel des travaux envisagés dans les trois années suivantes, assorti d’un budget prévisionnel, outre un état récapitulatif des travaux réalisés dans les trois années précédentes précisant leur coût.
On se demande comment les bailleurs vont pouvoir respecter leur obligation d’information dans le cadre d’immeubles en copropriété si le syndic ne leur communique pas les informations requises. Il paraît également compliqué de connaître trois ans avant les travaux qui seront nécessaires à la conservation et à l’entretien de l’immeuble et des lieux loués.
Le texte est visé par l’article L. 145-15 du   Code de commerce comme étant d’ordre public.
Aucune sanction n’est prévue par le législateur mais il est à craindre que les preneurs se prévalent de l’absence de communication des états prévisionnels pour ne pas régler les charges locatives.
Le bail, lorsqu’il porte sur des locaux dépendant d’un immeuble comportant plusieurs locataires/ou occupants, devra préciser la répartition des charges ou le coût des travaux entre les différents locataires, répartition qui sera fonction de la surface exploitée – avec obligation d’informer le preneur de tout élément survenant au cours du contrat susceptible de modifier la répartition des charges entre les locataires.
On peut dès lors s’interroger sur l’application des règles de pondérations pratiquées dans les centres commerciaux, notamment pour les grandes surfaces.
Toute location dans un immeuble appartenant à un seul propriétaire ou en copropriété comporte déjà soit une grille de répartition des charges, soit l’indication des tantièmes de copropriété auxquels les parties devraient continuer de se référer.
Il est ainsi admis par le texte qu’il est tenu compte de « la quote-part des parties communes nécessaires à l’exploitation de la chose louée », sauf à observer que cette partie de texte vise seulement « le montant des impôts, taxes et redevances » et non pas les charges et donc les prestations de l’immeuble.
Les obligations visées dans cet article L. 145-40-2  du   Code de commerce ne paraissent pas d’ores et déjà applicables puisqu’un décret en Conseil d’Etat doit fixer « les modalités d’application du présent article » en précisant les charges, impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, « ne peuvent être imputés au locataire et les modalités d’information des preneurs ». Il semblerait qu’un projet de décret soit déjà en cours de discussion.
On peut ainsi affirmer que les articles usuels des baux indiquant que les charges énoncées ne sont pas limitatives n’auront plus cours.
Ces nouvelles dispositions tendent à une meilleure visibilité des charges respectives des parties mais vont alourdir les frais de constitution de dossiers de prise à bail qui comportent déjà des annexes, telles que le diagnostic technique amiante, le diagnostic de performance énergétique, l’état des risques naturels miniers et technologiques et l’annexe environnementale lorsqu’elle est requise par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, dite « Grenelle 2 ».
Ces exigences, que l’on comprendra peut-être mieux lors de la parution du décret, constituent manifestement la mort de ce que les institutionnels appelaient les baux « triple net », c’est-à-dire le transfert sur le preneur de l’impôt foncier, de la taxe sur les bureaux, des grosses réparations visées par l’article 606 du Code civil et, plus généralement, toutes les charges de quelque nature qu’elles soient.
Elles vont amener les investisseurs à revoir leur plan de financement et impacteront nécessairement l’attractivité de la France dans le domaine de l’immobilier.
Le législateur a ainsi manifestement souhaité une rupture avec les baux d’investisseurs et plus spécialement ceux des centres commerciaux, mais qui se sont étendus également dans les centres villes, et même pour des petites boutiques : il y a une quarantaine d’années et au début des centres commerciaux, les baux ne comportaient pas plus d’une dizaine de pages et c’est au fur et à mesure des années qu’il y a eu une inflation importante des textes, les baux pouvant comporter à présent une cinquantaine de pages, et chaque fois qu’une jurisprudence non favorable aux bailleurs survenait, les baux étaient actualisés pour faire « pièce » à ces jurisprudences.
C’est ainsi que certains excès ont un effet « boomerang ».
N.B.: les modifications de l’article L. 145-40-2 du   Code de commerce sont applicables aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014.

2.4  Sur l’élargissement de la compétence de la commission départementale de conciliation

L’article L. 145-35 du   Code de commerce, modifié par l’article 10 de la loi Pinel, étend la compétence de la commission départementale de conciliation aux instances en révision de loyer (en application de l’article L. 145-38 du   Code de commerce) et aux litiges relatifs aux charges et aux travaux.
Sa saisine ne devient pas pour autant obligatoire mais on peut imaginer qu’elle sera sollicitée plus fréquemment chaque fois que les parties seront en conflit au titre des charges et travaux bien qu’il ne soit pas certain que cette commission, composée de représentants de bailleurs et de preneurs, soit en mesure de trancher ces litiges s’ils impliquent de résoudre des questions strictement juridiques.

2.5 Sur l’aspect extérieur du local

L’article L. 581-14 du Code de l’environnement prévoit désormais qu’un règlement local de publicité « peut définir des zones dans lesquelles tout occupant d’un local commercial visible depuis la rue ou, à défaut d’occupant, tout propriétaire doit veiller à ce que l’aspect extérieur de ce local ne porte pas atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants. »

III. SUR LA CESSION DES MURS ET DU DROIT AU BAIL

3.1  Sur le droit de préemption du preneur en cas de vente des lieux loués

a) Sur le droit de préemption du preneur
Afin de faciliter l’accès à la propriété, l’article 14 de la loi Pinel créé un nouvel article L. 145-46-1 du   Code de commerce qui institue un droit de préemption au profit du locataire lorsque le bailleur entend vendre le local « à usage commercial ou artisanal » donné à bail, selon des modalités qui sont très proches de celles qui existent déjà pour les occupants de locaux d’habitation.
Dans cette hypothèse, le bailleur doit notifier son offre de vente des lieux loués au preneur, avec l’indication du prix et des conditions de la vente envisagée, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou remise en main propre.
Le preneur disposera d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’offre pour l’accepter et d’un délai de deux mois pour réaliser l’acte de vente à compter de la date d’envoi de sa réponse au bailleur.
Si le preneur doit obtenir un prêt, son acceptation est faite sous condition de l’obtention de celui-ci et le délai de réalisation de la vente est alors porté à quatre mois.
L’acceptation est caduque si la condition suspensive n’est pas réalisée à l’expiration du délai de quatre mois.
Si le bailleur décide de vendre à un prix plus avantageux pour l’acquéreur, une nouvelle notification doit être effectuée à peine de nullité de la vente.
En revanche, si l’on se trouve en présence « d’une cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux » (ce qui inclut donc l’immeuble mixte), « d’une cession unique de plusieurs locaux d’un même ensemble commercial, d’une cession unique de locaux commerciaux distincts ou [d’une] cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial », le droit de préemption ne peut pas s’exercer, ce qui est d’ailleurs conforme à la jurisprudence. Il en va de même si la cession intervient dans un cadre familial (conjoint, ascendant ou descendant du bailleur ou de son conjoint).
L’ « ensemble commercial » vise les centres commerciaux ou les galeries marchandes.
N.B.: les locataires pourront bénéficier du droit de préemption susvisé pour toute cession d’un local intervenant à compter du 18 décembre 2014.
b) Sur le droit de préemption de la commune
L’article L. 214-1 du Code de l’urbanisme, modifié par l’article 17 de la loi Pinel, précise le contenu de la déclaration préalable qui doit être effectuée auprès de la commune, à peine de nullité, par tout preneur souhaitant céder son droit au bail lorsque cette dernière bénéficie d’un droit de préemption.
Le nouvel article L. 214-1-1 du Code de l’urbanisme mentionne que la commune peut déléguer son droit de préemption à un établissement public de coopération intercommunale, un établissement public y ayant vocation, une société d’économie mixte, un concessionnaire ou un titulaire du contrat de revitalisation.
L’article suivant est modifié pour prévoir que la durée de la gestion du fonds préempté sous forme de location-gérance peut être portée à trois ans.
Observons que le droit de préemption n’a pas remporté à ce jour un grand succès, de nombreuses communes n’ayant pas encore défini leur périmètre d’intervention.
Par ailleurs, l’article L. 145-2 modifié du   Code de commerce dispose que le défaut d’exploitation ne peut plus être invoqué par le bailleur pour mettre fin au bail pour sa rétrocession par le titulaire du droit de préemption à un nouvel exploitant.

3.2 Sur la garantie solidaire du cédant
L’article 7 de la loi Pinel créé un nouvel article L. 145-16-1 du   Code de commerce aux termes duquel, lorsqu’il est prévu au bénéfice du bailleur la garantie solidaire du cédant au paiement des loyers, charges, accessoires, etc., dus par le cessionnaire en vertu du bail, le bailleur doit informer le garant de tout défaut de paiement du locataire dans le délai d’un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée par celui-ci.
On peut approuver cette initiative législative : trop souvent les bailleurs sont négligents, attendent quelquefois plusieurs trimestres avant de délivrer des commandements visant la clause résolutoire à leur preneur et s’abstiennent de prévenir le cédant garant. Le délai d’un mois s’avère toutefois trop court et ne correspond pas à la pratique en la matière.
Le législateur ne précise pas la sanction encourue en cas de non-respect de cette disposition. Il est vraisemblable, qu’en cas d’information tardive du garant, le bailleur ne sera pas privé du bénéfice de la garantie mais sa responsabilité pourra être engagée si le garant établit avoir subi en conséquence un préjudice.
Le nouvel article L. 145-16-2 du   Code de commerce limite la durée maximale de la garantie solidaire du cédant, stipulée dans le bail, à trois ans à compter de la cession dudit bail.
Il eut été préférable que le législateur précise que la durée de la garantie est limitée à trois ans à compter de la « date d’effet de la cession » et non pas « à compter de la cession », car la date de signature de l’acte de cession peut différer de celle de sa prise d’effet.
En général, les baux prévoyaient que la garantie pouvait être mise en œuvre pendant toute la durée du bail et certains baux de centres commerciaux stipulaient que le garant était tenu au-delà de cette durée et quand bien même il y aurait eu des cessions successives.
Cela signifie que, si un preneur cède son fonds de commerce la huitième année du bail, sa garantie s’étendra au-delà du bail alors que, dans les clauses habituelles se limitant à la durée du bail, le bailleur perdait une garantie si la cession intervenait vers la fin du bail.

3.3 Sur la substitution dans les droits et obligations du preneur en cas de fusion, d’apport partiel d’actifs, de scission ou de transmission universelle de patrimoine
Le 2ème paragraphe de l’article L. 145-16 du   Code de commerce qui autorisait, nonobstant toutes stipulations contraires, la substitution de la société issue de la fusion ou de la société bénéficiaire de l’apport partiel d’actifs dans tous les droits et obligations du preneur découlant du bail est complété en ce qu’il prévoit également la substitution en cas de scission du preneur ou de transmission universelle de patrimoine.
La question, notamment pour les transmissions universelles de patrimoine, avait été plusieurs fois débattue en jurisprudence : s’agissait-il d’une cession soumise aux formalités d’usage ou non ? Dans un arrêt de la 3ème chambre civile du 9 avril 2014, il a justement été jugé qu’une transmission universelle de patrimoine ne s’analyse pas en une cession de bail[2].

3.4  Sur la liquidation judiciaire du preneur et la cession de droit au bail

L’article L. 642-7 du   Code de commerce n’autorisait le liquidateur à céder un droit au bail que dans le strict respect des conditions du bail.
L’obligation de conserver l’activité stipulée dans le bail pouvait constituer un frein aux reprises d’entreprises en difficulté.
L’article 15 de la loi Pinel, modifiant l’article L. 642-7 du   Code de commerce, dispose désormais que le tribunal peut autoriser le repreneur à adjoindre à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires, le bailleur étant entendu et appelé : il faut présumer que le bailleur ne pourra guère s’opposer à une telle extension d’activité, mais elle devrait être limitée à ce qui est connexe ou complémentaire au sens des dispositions de l’article L. 145-47 du   Code de commerce.

N.B. : ce nouveau texte ne s'applique pas aux liquidations judiciaires déjà ouvertes à la date d'entrée en vigueur de la loi Pinel.

3.5  Sur les contrats de revitalisation commerciale
En application de l’article 19 de la loi Pinel, des contrats de revitalisation commerciale confiés à un opérateur choisi par les pouvoirs publics sur appel d’offres sont créés pour cinq ans. Ils permettent à l’Etat, aux collectivités locales et à leurs établissements publics de mener des expérimentations visant à enrayer la vacance ou la mono-activité et à sauvegarder la proximité ; l’opérateur pouvant acquérir, notamment par voie d’expropriation et de préemption, procéder à la vente, à la location ou à la concession des biens immobiliers situés à l’intérieur du périmètre de son intervention aux fins de réaliser les objectifs susvisés.
Le bilan sur ces contrats est fixé avant la fin de l’année 2019 avec un rapport intermédiaire fin 2017.

IV. SUR LES CLAUSES REPUTEES NON ECRITES

L’article L. 145-15, modifié par l’article 6 de la loi Pinel, prévoit désormais que toute clause ayant pour objet de faire échec au droit de renouvellement de bail et aux dispositions des articles L. 145-4 (durée du bail), L. 145-37 à L. 145-41 (révision du loyer – indexation – clause résolutoire), du 1er alinéa de l’article L. 145-42 (résiliation pour cessation d’activité) et des articles L. 145-47 à L. 145-54 du   Code de commerce (déspécialisation) n’est plus sanctionnée par la nullité mais est réputée non écrite.
Cette modification s’avère substantielle dans la mesure où l’action tendant à voir déclarer une clause réputée non écrite est imprescriptible, à la différence de l’action en nullité qui est soumise à un délai de prescription biennale.  
La sécurité juridique du bail est mise à mal puisque le preneur pourra contester la validité des clauses susvisées des années après la signature du bail.
Mais, si ces clauses sont supprimées, cela est en principe sans conséquence sur la validité du bail dans son ensemble.
Il y a peut-être une certaine logique à cette modification législative : souvent les preneurs ne s’avisent de la nullité d’une clause que bien longtemps après le début du bail.
Cette disposition devrait inciter les bailleurs à écarter définitivement de leurs baux toutes les clauses qui étaient déjà susceptibles d’être reconnues nulles et qui, à présent réputées non écrites, pourront être attaquées pendant toute la durée de la relation locative.
La même formulation est reprise dans le premier paragraphe de l’article L. 145-16 du   Code de commerce mais l’on observera qu’il est extrêmement rare qu’un bail interdise à un preneur de céder son fonds de commerce.
N.B. : les dispositions transitoires de la loi Pinel ne prévoient pas la date d’entrée en vigueur de cette modification. Nous ignorons donc si cette modification est ou non d’application immédiate et s’applique au contrat en cours.

V. SUR LES CONVENTIONS NON SOUMISES AU STATUT


5.1 Sur les baux dérogatoires
L’article L. 145-5 alinéa 1er du   Code de commerce, modifié par l’article 3 de la loi Pinel, prévoit que le bail dérogatoire ou les baux dérogatoires successifs pourront désormais avoir une durée totale maximale de trois ans au lieu de deux.
Cette extension de la durée maximale du bail dérogatoire vise à permettre aux commerçants en début d’activité de mieux mesurer la viabilité de leur projet avant de s’engager sur une période plus longue et de faciliter leur installation, notamment les plus jeunes.
Rappelons par ailleurs que le bail dérogatoire ne peut être conclu que s’il s’agit d’un bail initial.
Il est ajouté qu’à l’expiration de cette durée de trois ans, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux. Cela signifie donc qu’un nouveau bail dérogatoire pourrait être conclu dans les mêmes locaux dès lors que le fonds exploité par le preneur serait différent.
Pour autant, l’article L. 145-5 du   Code de commerce n’est pas déclaré d’ordre public aux termes des articles L. 145-15 et 16 du même Code et l’on ne voit pas les raisons pour lesquelles, et selon une jurisprudence constante, une fois acquis le droit à la propriété commerciale, de nouveaux baux dérogatoires ne pourraient pas être à nouveau conclus avec renonciation du preneur à l’application du statut.
Le 2ème alinéa de l’article L. 145-5 du   Code de commerce dispose toujours qu’il s’opère un nouveau bail commercial soumis au statut si le preneur reste et est laissé en possession, à l’expiration de la durée du bail dérogatoire mais il est à présent ajouté « et au plus tard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’échéance ». Cette modification permet de protéger un bailleur qui aurait omis de dénoncer le bail dérogatoire avant son terme. Cela étant, la prudence consistera pour le bailleur à délivrer au preneur congé, par acte extrajudiciaire  ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, pour la date d’expiration du bail dérogatoire et à poursuivre son expulsion judiciaire des lieux loués sans attendre l’expiration du délai d’un mois suivant le terme du bail.
Dans ce même article, sont ajoutés deux alinéas 4 et 5 imposant aux parties d’établir un état des lieux d’entrée - qui devra être annexé au bail dérogatoire - comme un état des lieux de sortie. Cet état des lieux devra être établi contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par eux, et à défaut par constat d’huissier à frais partagés.
On pourrait penser qu’il n’y a pas de réelle différence entre un bail dérogatoire et un bail commercial trois, six, neuf, ce qui serait inexact. En effet, dans le bail commercial, le preneur peut sans doute donner congé pour la fin de la période triennale mais pas le bailleur et ce sont plus souvent les bailleurs qui contraignent un preneur à conclure un bail dérogatoire plutôt qu’un bail commercial soumis au statut ; de plus, un preneur titulaire d’un bail commercial soumis au statut devra respecter un préavis de six mois pour la fin d’une période triennale alors que, pour un bail dérogatoire, il n’y a pas de préavis à respecter, sauf convention contraire.
N.B.: pour les baux dérogatoires en cours au jour de l’entrée en vigueur de la loi Pinel, les deux derniers alinéas de l’article L. 145-5 du   Code de commerce s’appliquent à toute restitution des lieux loués dès lors qu’un état des lieux a été établi lors de la prise de possession. Les dispositions de l’article L. 145-5 du   Code de commerce, telles qu’elles résultent de l’article 3 de la loi Pinel, sont applicables aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014.

5.2 Sur les conventions d’occupation précaire

L’article 4 de la loi Pinel créé un nouvel article L. 145-5-1 du Code de commerce définissant la notion de convention d’occupation précaire.
Cette convention – qui n’est pas un bail commercial soumis au statut – a été admise par la jurisprudence depuis de nombreuses années, chaque fois qu’elle était conclue en vertu de certaines circonstances indépendantes de la seule volonté des parties.
Le législateur a donc consacré cette jurisprudence et repris plus ou moins ce qu’avait déjà évoqué en 2003 le rapport PELLETIER suggérant de définir un « bail » qui serait précaire sans autre exigence que celles de « circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties », savoir par exemple l’obtention d’un permis de construire en cours d’examen ou une éventuelle expropriation, la précarité se caractérisant par l’incertitude du temps d’occupation puisqu’à l’inverse d’un bail de dérogation qui ne peut durer plus de trois ans, l’occupation précaire peut n’être que de quelques mois mais aussi perdurer plusieurs années et bien au-delà des trois ans du bail dérogatoire.
Le fait d’avoir légiféré n’aura pas pour effet de limiter les contentieux ; un preneur pourra toujours tenter de soutenir que la convention n’a pas été conclue en raison d’une précarité liée à des circonstances particulières indépendantes de la volonté des parties ; mais une telle convention pourrait aussi être sollicitée par un preneur sous réserve pour celui-ci de justifier de la précarité de l’occupation souhaitée et pour une circonstance indépendante de sa volonté. Peu ou pas de jurisprudence ont été recensées à cet égard, la totalité des décisions ayant statué sur ce type de contrats visant généralement les circonstances intéressant exclusivement le propriétaire et non pas l’occupant.
Il conviendra donc, comme par le passé, de caractériser très précisément dans la convention d’occupation précaire les circonstances particulières indépendantes de la volonté des parties justifiant la conclusion d’une telle convention.

VI. SUR L’APPLICATION DU STATUT AUX LOCATAIRES DE NATIONALITE ETRANGERE

L’article 5 de la loi Pinel abroge les articles L. 145-13 et L. 145-23 du   Code de commerce qui écartaient du droit au statut certains commerçants étrangers et ne leur permettaient pas notamment de se prévaloir des dispositions de l’article L. 145-22 du   Code de commerce concernant la reprise des locaux d’habitation accessoires à des locaux commerciaux.
Le législateur a donc suivi la jurisprudence la plus récente en la matière [3] qui avait retenu le caractère discriminatoire de l’article L. 145-13 du   Code de commerce.
Comme l’écrivait M. Yves ROUQUET dans son commentaire de l’article L. 145-23 du   Code de commerce, « ce texte, largement dépassé par l’histoire, mériterait l’abrogation expresse » et sur l’article L. 145-13 du   Code de commerce qu’il existe « des textes qui, pour l’honneur du droit français, devraient être considérés comme étrangers. Celui-ci en était un. De profondis, mais sans larmes» [4]

VII. SUR L’APPLICATION DES DISPOSITIONS DE LA LOI PINEL DANS LE TEMPS

L’article 2 de la loi Pinel, complétant l’article L. 145-4 du   Code de commerce au profit des héritiers d’un preneur - nécessairement personne physique - les autorisant à donner congé sans respecter le terme d’une période triennale, est applicable à toute succession qui s’ouvrira dès l’entrée en vigueur de la loi.
Les articles 3 (modifiant l’article L. 145-5 du   Code de commerce sur le bail dérogatoire), 9 (modifiant l’article L. 145-34 du   Code de commerce en supprimant l’Indice du coût de la construction), 11 (modifiant les articles L. 145-34, 38 et 39 du   Code de commerce pour prévoir le plafonnement du déplafonnement) et 13 (créant l’article L. 145-40-2 sur les charges locatives et les impôts) sont applicables pour les contrats conclus ou renouvelés, à compter du premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la loi, soit le 1er septembre 2014.
L’article 14,  instituant l’article L. 145-46-1 du   Code de commerce sur le droit de préemption du preneur, ne s’applique qu’à compter du sixième mois suivant la promulgation de la loi Pinel.
Ces précisions signifient en principe que tous les autres articles de la loi Pinel sont d’ores et déjà applicables, la loi Pinel étant parue au Journal Officiel du 19 juin 2014.
 
 
Voir les modifications apportées par la loi Pinel
 

[1]  Jean-Pierre Dumur. « Loi Pinel et « plafonnement du déplafonnement », quadrature du cercle et casse-tête chinois », AJDI, juin 2014, p.405.
[2]  Dalloz – Actualités 28 avril 2014, note Yves Rouquet ; Loyers et copropriété juin 2014, note Ph. H. Brault et E. Chavance.
[3] Cass. civ. 3ème, 9 novembre 2011, Joël Monéger, Loyers et copropriété, décembre 2011. JCP (G), n° 47, 21 novembre 2011; Marie Odile Vaissié, Revue des loyers, décembre 2011; Danielle Lipman-W. Boccara, Administrer, janvier  2012 ; Philippe-Hubert Brault, Loyers et copropriété, janvier 2012 ; Emmanuelle Chavance, Loyers et copropriété, janvier 2012 ; Marie-Pierre Dumont-Lefrand, AJDI, février 2012 ; Augustin Boujeka, Petites affiches, 21 mars 2012
[4] Code Dalloz Baux Commerciaux, éd. 2014, p.781.