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Durée du bail renouvelé � Renouvellement pour la durée du bail expir� (non).

16/01/2014 - Lu 4048 fois
(Cass. Civ. 3ème 18 juin 2013 � Aff. Soci�t� La Découverte Expansion c/ société Point Net ; Pourvoi n° 12-19.568)

Ayant constaté que la locataire, qui n’avait pas répondu au congé avec offre de renouvellement pour douze ans du bail initialement conclu pour cette durée, demandait la constatation du renouvellement du bail pour une période de neuf ans à compter du 1er octobre 2009 et relevé qu’aucun accord des parties n’était intervenu sur une durée de douze ans postérieurement à la date d’effet du congé, la cour d’appel a déduit, à bon droit de ces seuls motifs, qu’en application des dispositions d’ordre public de l’article L 145-12 du Code de commerce, le bail s’était renouvelé pour une durée de neuf années.

Observations. - L’arrêt rapporté n’a pas été considéré comme devant être publié au Bulletin mais sa solution pourrait manifestement justifier des réserves même si elle est conforme à des décisions antérieures.

L’on était en présence d’un bail qui prévoyait expressément que si les conditions du renouvellement étaient remplies, le renouvellement « interviendra à nouveau pour une période de douze années ».

Le bailleur a délivré un congé avec offre de renouvellement de bail pour une nouvelle durée de douze ans ; mais la cour d’appel a retenu que l’article L 145-12 du Code de commerce en ce qu’il précise que « la durée du bail renouvelé est de neuf années, sauf accord des parties pour une durée plus longue » constitue une disposition d’ordre public, ce qu’a repris la Cour suprême, et ainsi jugé que le renouvellement devait intervenir pour neuf ans.

La Cour de Paris dans un arrêt du 18 septembre 1998 (Administrer mai 1999 et nos observations) avait à l’époque retenu que si le bail d’origine avait une durée de douze ans, alors même qu'il était muet sur la durée des futurs renouvellements, le renouvellement  devait intervenir pour une nouvelle durée de douze ans.

Cette jurisprudence a été infirmée et par un arrêt de la 3ème Chambre  civile du 2 octobre 2002, il a été déjà retenu le caractère d’ordre public de l’article 7 devenu L.145-12, car il appartenait « aux parties d’exprimer expressément leur volonté de contracter pour une durée de douze ans, faute de quoi, le bail est renouvelé pour la durée légale de neuf années » (Cass. civ. 3ème n° 194, D. 2002 AJDI 2004 ; obs. Rouquet – AJDI 2003 p.28 Obs. Blatter).

Pourtant, il paraît difficile d’admettre que l’article L 145-12 soit d’ordre public ; au titre de l’ordre public, l’article L 145-15 ne vise que les dispositions des articles L.145-4, L.145-37 à L.145-41, le premier alinéa de l’article L 145-42, les articles L 145-47 à L 145-54, et alors qu’il ne pouvait pas être soutenu que la prévision d’une durée supérieure à neuf ans, fasse échec au droit de renouvellement ; quant à l’article L 145-16, ne sont nulles comme contraires à l’ordre public que les conventions qui tendraient à interdire aux locataires de céder leur bail ou leurs droits à l’acquéreur de leur fonds de commerce ou de leur entreprise.

Sans doute, la Cour suprême, en retenant à nouveau que l’article L.145-12 du code de commerce est d’ordre public, n’interdit pas aux parties d’y déroger mais sauf à l’admettre de façon expresse pendant la procédure de fixation ou en tous les cas après un congé et/ou une réponse à demande de renouvellement ; mais verra-t-on jamais un preneur admettre une durée de plus de neuf ans qui le conduirait immanquablement à un déplafonnement ? On doit rappeler ici que le plafonnement édicté par l’article L.145-34 du code de commerce n’est justement pas d’ordre public, à l’inverse des articles L.145-37 et s. sur les révisions et indexations du loyer.

Danielle Lipman-W. Boccara

novembre 2013