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Bail à paliers, renouvellement et plafonnement

18/12/2013 - Lu 2373 fois
Loyer de renouvellement – Bail à paliers – Plafonnement (oui) (Cass. civ. 3ème 6 mars 2013 – Aff. Maison de la Truffe c/ Madame Bugnon ; Pourvoi n° 12-13962 FS-P+B ; note Dalloz Actualités 14 mars 2013 note Yves Rouquet)

Encourt la cassation l’arrêt (Paris 12 novembre 2011) qui, « pour dire que le prix du loyer du bail renouvelé devait être déplafonné […] retient que la modalité de fixation du loyer par paliers dans le bail à renouveler, qui exclut la fixation d’un loyer de base, met obstacle à l’application de la règle du plafonnement et impose d’apprécier le loyer lors du renouvellement à sa valeur locative […] qu’en statuant ainsi alors que pour la fixation du prix du bail renouvelé la variation indiciaire prévue par l’article L 145-34 du code de commerce doit être appliquée au loyer initial acquitté par le preneur lors de la prise d’effet du bail à renouveler, nonobstant la fixation dans le bail expiré d’un loyer progressif par paliers  […] et ce en violation de l’article L 145-34 et 33 du code de commerce.

Observations. – L’arrêt rapporté aura les honneurs du Bulletin ce qui paraît justifié compte tenu des controverses et de la nécessité de clarification de ce sujet difficile depuis le décret du 3 juillet 1972 ayant institué le plafonnement des loyers de renouvellement, les bailleurs le considérant bien souvent comme conduisant plus ou moins à une spoliation.

La cour d’appel présentement censurée avait été longuement commentée par notre confrère Ph. Brault dans Loyers et copropriété. n° 15, janvier 2012 p. 23 et suivants et à nouveau en en juin 2012, p.24.

L’on était en présence d’un protocole et d’un renouvellement de bail intervenus en 2003 et 2006 et aux termes duquel étaient précisés un loyer d’origine puis des paliers successifs et progressifs. Alors que les premiers juges avaient rejeté la demande du bailleur prétendant à un déplafonnement, la cour d’appel a suivi son argumentation en retenant que « cette modalité de fixation du loyer par paliers dans le bail à renouveler qui exclut la fixation d’un loyer de base, met obstacle à l’application de la règle du plafonnement et impose d’apprécier le loyer lors du renouvellement à sa valeur locative » ; la locataire faisait valoir la solution retenue par la même chambre civile par un arrêt du 17 mai 2006 (Gazette du palais, spécial baux commerciaux, 15 et16 décembre 2006 p. 24 obs. J.D. Barbier) mais dans une espèce différente, non pas de loyer à paliers mais d’un loyer de base avec des allègements ultérieurs et l’application de la variation indiciaire au loyer.

Toutefois comme l’observait de façon critique M. Ph. Brault, dans son commentaire, se créait d’une certaine manière un nouveau cas de déplafonnement non prévu par la loi de telle sorte que cette décision de la Cour d’appel appelait de sa part des réserves.

Et effectivement, si pendant le cours d’un bail de 9 années, ne sont pas survenues des modifications de quelque nature que ce soit (destination, obligations respectives des parties, facteurs locaux de commercialité etc…), il peut être difficilement concevable qu’au motif que le loyer de base ferait ultérieurement l’objet de paliers, il puisse être considéré que ce loyer de base ne puisse pas être pris en considération pour l’application des indices. Comme l’on sait, si le droit à révision triennale est d’ordre public, en revanche il n’y a pas d’ordre public pour la fixation d’un loyer de renouvellement. Il appartiendrait donc aux praticiens – s’ils le peuvent – de prévoir dans tout bail de 9 années comportant des loyers à paliers, que cette circonstance conduit les parties à convenir qu’en fin de bail, le loyer sera déplafonné ; faudra-t-il encore en convaincre le preneur.

Danielle Lipman-W. Boccara