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Bail en général - Désignation et Destination – Résiliation judiciaire

02/07/2009 - Lu 3201 fois
(non) (CA Paris 16ème chambre B 12 février 2009– Aff. MMGS c/ Farid Iskounene)

Bail (en général) - Désignation et Destination – Résiliation judiciaire (non) (CA Paris 16ème chambre B 12 février 2009– Aff. MMGS c/ Farid Iskounene)

"Pour ce qui concerne l’appartement du premier étage, le bail ne précise pas expressément qu’il est à usage d’habitation et, au contraire, indique de façon générale dans un paragraphe 14 «USAGE DES LIEUX» que ceux-ci ne peuvent l’être que pour le commerce de bar, café, restaurant. Par ailleurs, l’ancienneté de son utilisation en salle de restaurant qui remonte à plus de trente cinq ans avant la délivrance de la sommation, justifie l’impossibilité pour le locataire de rapporter la preuve écrite de l’accord du bailleur et autorise son établissement par les différents actes auxquels ce dernier a participé. Il en est de même pour l’appartement du deuxième étage dont l’utilisation à usage de bureaux prévue au bail n’est pas reprise dans l’acte de cession de fonds de commerce du 19 juin 1996 autorisée par le bailleur et pour l’occupation duquel le locataire justifie du paiement de la taxe d’habitation."


Observations. – L’arrêt rapporté justifie un court commentaire car l’on constate à l’occasion de cession des murs que les nouveaux acquéreurs tentent souvent de mettre en cause les baux de locaux qu’ils ont acquis en se plaçant sur le terrain de la désignation des lieux pour prétendre à une infraction et obtenir une résiliation judiciaire. Dans le cas présent, l’on était en présence d’une désignation des lieux visant notamment un appartement au premier étage et une destination pour le commerce de café, bar, restaurant ; depuis de très nombreuses années, le preneur exploitait une salle de restaurant au premier étage et les nouveaux propriétaires prétendaient qu’il y avait ainsi une modification des lieux sans que le preneur puisse justifier d’une autorisation écrite ; apparemment aussi l’appartement du deuxième étage destiné à des bureaux dans le bail d’origine était probablement devenu un local à usage d’habitation. Le preneur se défendait en justifiant de l’existence de la salle de restaurant depuis plus de trente cinq ans sans qu’il puisse en apporter la preuve écrite eu égard sans doute à de nombreuses cessions de fonds de commerce intervenues depuis la signature originaire des baux.

Si une désignation vise un « appartement », les locaux devraient être destinés à l’habitation mais si le bail ne prévoit pas de façon expresse que l’appartement sera à usage d’habitation, le fait pour un preneur d’utiliser ces locaux soit pour recevoir de la clientèle (restaurant), soit pour un usage exclusivement administratif ou à titre de réserve, ne peut pas être considéré comme une infraction dès lors que par ailleurs, la destination du bien donné à bail est commerciale et alors que quelle que soit la nature des biens donnés à bail, ils ont un caractère commercial pour le tout.

Naturellement, cela peut poser un problème au regard du régime administratif de l’appartement qui est sans doute considéré par l’autorité municipale comme étant à usage d’habitation et cela peut même poser un problème à l’acquéreur qui a pu acheter les locaux comme étant partiellement à usage d’habitation et qui estime donc que l’usage des lieux n’est pas conforme ; il y a là une dualité des régimes applicables qu’il n’est pas simple de résoudre : d’une part, des rapports de droit commun du contrat qui ne permettent pas à un bailleur ne pouvant s’appuyer sur une convention locative qui n’a pas prévu expressément un usage d’habitation pour l’appartement de poursuivre la résiliation judiciaire d’un bail et d’autre part, le régime administratif de ces locaux qui peuvent mettre en «porte à faux» un propriétaire des murs qui, ayant acquis un ensemble des locaux dont certains relèvent du régime administratif de l’habitation, ne peut pas pour autant contraindre le preneur à cesser une activité commerciale dans ces locaux faute d’un bail prévoyant un usage d’habitation pour partie des lieux loués. On se reportera, à cet égard, à deux arrêts de la Cour d’appel de Paris (1ère et 16ème) des 13 janvier et 3 février 1999 que nous avons commentés dans Administrer avril 2000 p. 40 et commentés également par Joël Moneger dans le JCP éd. E 2000 p. 224.
 

 

Danielle Lipman-W.Boccara, Administrer, décembre 2007