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Activites incluses

30/04/2009 - Lu 2656 fois
Mots-clefs: Bail en général – Destination « Débit de tabac » - Vente de cartes de téléphonie mobile – Activité incluse (oui)

Bail en général – Débit de tabac et vente de cartes de téléphonie mobile – Activité incluse (oui) (Cass. civ. 3ème 6 janvier 2009 – Aff. Favier c/ Tang ; arrêt n° 36 F-D)

« Ayant par motifs propres et adoptés constaté que les usages commerciaux incluaient dans l’activité de débit de tabac comme annexe et accessoire, l’activité de vente de communications téléphoniques, qu’il n’y avait pas lieu d’opérer de distinction relative au mode de commercialisation de ces communications téléphoniques soit par la présence d’une cabine téléphonique et par la vente de cartes de téléphone pour cabines de téléphone fixe, soit eu égard à l’évolution normale des usages commerciaux et du marché du téléphone par la vente de cartes de recharge pour téléphones mobiles, qu’il s’agissait d’un même commerce qui s’adresse à la même clientèle avec le même but, celui de rendre un service de proximité au public, la Cour d’appel (Paris 16ème A 26 septembre 2007) a, sans dénaturation, souverainement retenu que l’activité de vente de cartes de recharge pour téléphones mobiles était incluse dans la destination contractuelle du bail ».

Observations. – Nous avions commenté en l’approuvant l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 septembre 2007 (Administrer décembre 2007 n° 405, ci-dessous) et on pouvait s’étonner, eu égard à une motivation qui paraissait exempte de toute contestation, qu’un pourvoi soit diligenté à son encontre, les bailleurs ayant cru pouvoir motiver leur pourvoi en soutenant que la destination du bail n’intégrait pas la vente de cartes téléphoniques et de cartes de téléphonie mobile qui consistait, selon eux, en une activité n’ayant aucun lien avec notamment celle de débit de tabac, et que la Cour d’appel en se fondant sur « des motifs d’ordre général tirés de ce qu’historiquement et  statutairement les débitants de tabac ont été soumis  à des charges d’emploi que l’administration leur imposait dans un intérêt public et de ce que leur vocation est de contribuer, par leurs activités annexes et accessoires de service de liaison téléphonique, à l’intérêt général sans préciser si, actuellement, les époux TANG étaient, en leur qualité de débitants de tabac, tenus de vendre des cartes de recharge de téléphonie mobile, violant ainsi l’article 455 du Code de procédure civile » ce qui était une référence pour le moins inappropriée.

Danielle Lipman-W.Boccara, Administrer, mars 2009.

Paris 16ème chambre A 26 septembre 2007 – Aff. Epoux Favier c/ Monsieur et Madame Tang

Historiquement et statutairement, les débitants de tabac ont été soumis à des « charges d’emploi » que l’administration leur imposait dans un intérêt public notamment en rapport avec les communications que ce soit par courrier (ventes de timbres postaux, boîtes aux lettres) ou par téléphone (cabine publique). L’évolution des conditions de vie a conduit à la diminution de ces charges et/ou à leur changement de modalités ; ainsi, les débitants de tabacs ont, à la demande de l’administration et avec le concours de la SEITA, pris part au développement des outils de téléphonie moderne ; celle-ci, progressivement, a subi des transformations de support tant technologique (progression forte de la téléphone mobile) que économique (fin du système monopolistique). Ces fortes transformations n’ont pas changé la nature du service de liaison téléphonique rendu par les débits de tabac ; sa manifestation actuelle est la fourniture de prestations permettant  la recharge de téléphonie mobile ; elle reste l’expression de la vocation des débits de tabacs à contribuer, par leurs activités annexes et accessoires, à l’intérêt général ; cette situation contemporaine s’inscrit, au reste, dans un contexte de déclin de la vente des produits destinés aux fumeurs dans un souci de protection de la santé publique.

La décision rapportée mérite un court commentaire. Il est toujours  en effet délicat d’apprécier ce qui relève des activités incluses ou des activités nouvelles susceptibles, soit d’entraîner une procédure de rupture, soit d’exiger une procédure de déspécialisation et à cet égard on se reportera à l’article de B. Boccara « Sur la différenciation entre les activités incluses et les activités annexes » au Jurisclasseur "Bail à loyers", F 1475 n° 15 et suivants. Les décisions sur ce sujet sont assez rares et elles interviennent surtout lorsque l’on est en présence de nouvelles technologies qui n’ont pas pu être prévues par les parties lorsque les destinations contractuelles ont été établies. C’est ainsi qu’il y a plus de vingt ans, la même Cour avait été appelée à statuer sur un litige concernant une destination de « photo-ciné-son » le preneur ayant pratiqué la vente de cassettes vierges de magnétophone et la Cour avait retenu qu’il s’agissait d’une activité incluse puis plus récemment que la vente de matériel vidéo était aussi incluse dans une destination de photographie et optique (Cf. nos observations sous Paris 16ème B 26 février 2004 dans Administrer  mai 2004 p. 25).

A l’inverse, il a été considéré que pour une activité de bar brasserie, la vente à emporter n’était pas incluse, peut-être même pas connexe ou complémentaire pouvant justifier une procédure de déspécialisation (Cf. nos observations dans Administrer août-septembre 2003 p. 39 sous Paris 16ème A 23 mai 2001). Dans l’espèce rapportée, la Cour analyse très finement quelles sont les missions du débitant de tabac et on ne peut qu’approuver la décision.

 Danielle Lipman-W.Boccara, Administrer, décembre 2007.