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Indemnité d'éviction. Pénalité de 1%.

19/02/2009 - Lu 3669 fois
Mots-cléfs : Indemnité d'éviction - Pénalité de 1 % par jour de retard - Faute quasi délictuelle du bailleur - Dommages et intérêts outre préjudice moral (Paris 16ème B 16 octobre 2008 - Aff. SCI Cour Saint Antoine c/ Madame Fenaroli-Lani )

"La SCI Saint-Antoine a, le 12 décembre 2003, mis en demeure Madame Fenaroli-Lani d'avoir à restituer les lieux au 1er janvier 2004, correspondant au premier jour du terme d'usage de l'article L 145-29 du Code de commerce ; ...par ordonnance du 23 avril 2003, le juge de l'exécution a constaté ; ... que la SCI Cour Saint Antoine est restée débitrice envers Madame Fenaroli-Lani après déduction du paiement de l'indemnité d'occupation d'une somme de 167.943 € à parfaire ; que sans faire état de cette décision, la SCI Cour Saint Antoine a, par requête du 28 novembre 2003, sollicité la désignation d'un séquestre qu'elle a obtenue par ordonnance du 8 décembre 2003 ; le 12 décembre 2003, elle a procédé au versement de l'indemnité d'éviction entre les mains du séquestre et délivré sommation de quitter les lieux pour le 1er janvier 2004 ; que c'est donc à juste raison que les premiers juges ont observé que la SCI Cour Saint Antoine s'était volontairement abstenue de régler le montant de l'indemnité d'éviction lorsque celle-ci était connue, qu'elle n'a jamais fait part à l'occasion de l'expertise qui a duré six ans d'un différend concernant les charges qui aurait pu être soumis tant à l'expert qu'au tribunal pour apurer les comptes et qu'elle n'a soulevé cette question qu'à l'occasion de la contestation du commandement délivré par Madame Fenaroli-Lani ; que la SCI Cour Saint-Antoine n'a pas pour autant obtempéré à  la décision du juge de l'exécution qui prenait position sur les comptes de charges et qu'elle a attendu indéfiniment pour solliciter, sans raison valable, la nomination d'un séquestre".

Observations. - L'arrêt rapporté a été rendu à la suite de l'arrêt de cassation de la 3ème chambre civile du 27 juin 2007 que nous avions commenté en octobre 2007 dans la présente revue : alors que les premiers juges avaient justement condamné le locataire à régler la pénalité de 1 % puis condamné la bailleresse au paiement d'une somme identique à titre de dommages et intérêts "pour s'être volontairement abstenue de régler le montant de l'indemnité d'éviction lorsque celle-ci était connue et être responsable de la désignation d'un séquestre", la Cour d'appel, et c'est la raison pour laquelle elle avait été censurée, avait en réalité accueilli la demande de non exigibilité de la pénalité. En définitive, le résultat est, pour le locataire, identique savoir une pénalité de 1 % égale aux dommages et intérêts qui vont dès lors se compenser purement et simplement et la Cour y ajoute, pour sanctionner définitivement l'attitude d'un bailleur d'extrême mauvaise foi, 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral outre encore 15.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile, condamnations qui sont assez exceptionnelles en terme de quantum..

En l'occurrence, la locataire a délaissé les lieux le 27 février 2004 bien que l'on ne sache pas si à la suite de l'arrêt du 14 décembre 2005 (1er arrêt de Paris) il avait été exécuté : il n'en demeure pas moins que l'on était en présence d'un bailleur qui, à la suite d'une procédure qui avait apparemment duré six années et d'un arrêt fixant le montant de l'indemnité d'éviction en octobre 2002, il n'a finalement contraint et forcé consigné qu'en décembre 2003, la locataire ayant assumé sur ses fonds propres les indemnités de licenciement pour un montant non négligeable de 64.430,95 € justifiant définitivement la décision rendue.

On ajoutera que l'exercice par les bailleurs d'une notification de consignation d'indemnité d'éviction seize jours avant le terme d'usage n'est plus possible depuis la loi LME du 4 août 2008 prévoyant que la pénalité de retard ne sera due qu'après un délai de trois mois suivant la consignation de l'indemnité d'éviction, délai tout à fait opportun permettant précisément aux locataires de procéder à toutes liquidations nécessaires de stocks et à organiser de façon sereine les licenciements réglant de surcroît aux salariés les indemnités de préavis qui ne sont jamais prises en charge par les bailleurs (Cf. notre article dans Administrer octobre 2008 " Sur un premier commentaire de la loi sur la modernisation de l'économie du 4 août 2008 ").

Danielle Lipman-W.Boccara, Administrer, janvier 2009.